Les scientifiques soutiennent la grève scolaire pour le climat

Dominique Bourg et une vingtaine de chercheurs co-signent une tribune dans la revue Science pour soutenir les grèves scolaires pour le climat. Nous en publions la traduction.

Les inquiétudes des jeunes manifestants sont justifiées

La jeunesse mondiale a commencé à manifester avec persévérance en faveur de la protection du climat et d’autres fondements du bien-être humain. En tant que scientifiques et universitaires qui ont récemment initié des lettres de soutien similaires dans nos pays respectifs, nous appelons nos collègues de toutes les disciplines et du monde entier à soutenir ces jeunes protestataires du climat. Nous déclarons que leurs préoccupations sont justifiées et appuyées par les meilleures données scientifiques disponibles. Les mesures actuelles de protection du climat et de la biosphère sont très insuffisantes.

Presque tous les pays ont signé et ratifié l’Accord de Paris de 2015, s’engageant en vertu du droit international à maintenir le réchauffement planétaire bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5°C. La communauté scientifique a clairement conclu qu’un réchauffement de la planète de 2°C au lieu de 1,5°C augmenterait considérablement les impacts liés au climat et le risque que certains deviennent irréversibles. En outre, étant donné la répartition inégale de la plupart des impacts, un réchauffement de 2 °C aggraverait encore les inégalités mondiales existantes.

Il est essentiel de commencer immédiatement à réduire rapidement les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Le degré de crise climatique que l’humanité connaîtra à l’avenir sera déterminé par nos émissions cumulées ; une réduction rapide maintenant limitera les dégâts. Par exemple, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a récemment évalué que la réduction de moitié des émissions de CO2 d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2010) et la réalisation d’émissions nettes nulles de CO2 d’ici 2050 (ainsi que de fortes réductions des autres gaz à effet de serre) permettraient de maintenir une chance de 50% de rester en dessous de 1,5°C du réchauffement. Considérant que les pays industrialisés ont produit davantage d’émissions antérieures et en ont bénéficié davantage, ils ont la responsabilité éthique de réaliser cette transition plus rapidement que le monde dans son ensemble.

De nombreuses solutions sociales, technologiques et naturelles existent déjà. Les jeunes manifestants exigent à juste titre que ces solutions soient utilisées pour parvenir à une société durable. Sans une action audacieuse et ciblée, leur avenir est en danger critique. Nous n’avons pas le temps d’attendre qu’ils soient au pouvoir.

Les politiciens ont l’immense responsabilité de créer les conditions-cadres nécessaires en temps opportun. Des politiques sont nécessaires pour rendre l’action respectueuse du climat et durable simple et rentable et pour rendre les actions nuisibles au climat peu attrayantes et coûteuses. Il s’agit par exemple de prix et de réglementations efficaces pour le CO2, de la cessation des subventions pour des actions et des produits nuisibles au climat, de normes d’efficacité, d’innovations sociales et d’investissements massifs et ciblés dans des solutions telles que les énergies renouvelables, l’électrification intersectorielle, les infrastructures de transport public, et la réduction de la demande. Une répartition socialement équitable des coûts et des avantages de l’action climatique exigera une attention délibérée, mais elle est à la fois possible et essentielle.

L’énorme mobilisation populaire du mouvement des jeunes pour le climat montre que les jeunes comprennent la situation. Nous approuvons et soutenons leur demande d’action rapide et énergique. Nous considérons qu’il est de notre responsabilité sociale, éthique et érudite d’énoncer les choses en des termes non équivoques : Ce n’est que si l’humanité agit rapidement et résolument que nous pourrons limiter le réchauffement climatique, mettre un terme à l’extinction massive des espèces animales et végétales et préserver la base naturelle de l’approvisionnement alimentaire et du bien-être des générations actuelles et futures. C’est ce que les jeunes veulent réaliser. Ils méritent notre respect et notre plein appui.

Signataires : Gregor Hagedorn, Peter Kalmus, Michael Mann, Sara Vicca, Joke Van den Berge, Jean-Pascal van Ypersele, Dominique Bourg, Jan Rotmans, Roope Kaaronen, Stefan Rahmstorf, Helga Kromp-Kolb, Gottfried Kirchengast, Reto Knutti, Sonia I. Seneviratne, Philippe Thalmann, Raven Cretney, Alison Green, Kevin Anderson, Martin Hedberg, Douglas Nilsson, Amita Kuttner, Katharine Hayhoe.